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Templum - La tribu de Don.

24 septembre 2015

Chapitre 1 - Partie 1 et 2

 

 

Chapitre 1 - Partie 1 

 

 

Avec lenteur, la saison déclinait. Bientôt, on fêterait le solstice d'automne, cette période charnière oscillant entre son humeur opaline et un cortège tape à l'oeil de nuée pourpre, au défilement des feuilles craquelant sous le poids de mes bottines. Présentement, il n'en demeurait qu'un feuillage gercé par le feulement du vent qui se rabattait contre ma joue. 

Deux jours déjà que je traversais les terres de Gaoold pour retrouver la terre qui était mienne. En quittant la tribu de Morrigan, il m'était tenu de croire que j'avais accompli une épopée grandiloquente. J'étais,- me disait-on, dès à présent, au pénultième prêt de l'achèvement de cette grande aventure. J'avais beau retravailler le discours, de sa teneur jusqu'à sa consonance, il n'en demeurait pas qu'il en résultait un contenu erroné, pour ce que j'en pensais.

L'histoire avait été comptée de cette manière et finalement, elle ne différait pas beaucoup de ces prédécesseurs. Une nuitée, alors que je possédais la taille d'une dizaine de pomme de pin - Enfin, ça c'est ce qu'on s'amusait à me dire, l'allure hirsute et juvénile, je m'étais soumis à l'épineuse et traditionnelle étape qui était établie dans la Tribu de Don. La formation qui m'était enseignée au sein de la tribu, suivie jusqu'au plus lointain de ma mémoire, se parachevait par la pérennité d'un apprentissage enseigné par un précepteur avoisinant. 


J'avais ainsi fait la connaissance d'Eshyle, le précepteur de la tribu de Morrigan, à deux jours et demi de marche de la nôtre. C'était alors présenté des cultures et l'évolution d'une floraison différente, des noms dans les sépultures qui ne m'avait pas été appris par cœur et un air belliqueux, que je me découvrais, quant à l'exubérance de mon instructeur. Et puis, pas mal d'années étaient passées depuis. Le temps avait voulu que je devienne un garçon accompli et que ma formation enseignée par Eshyle soit achevée. - D'une bien drôle de manière. Un peu à l'image de son sillage, lorsqu'on y pensait. 

Morrigan était finalement devenu un doux asile et m'y astreindre n'était plus aussi commode que je ne l'avais pensé. Néanmoins, l'accablement se transformait souvent en inaction et rapidement, je m'étais mis en route, m'y attelant derechef. La vallée de Don se rapprochait et bientôt, je fus capable de reconnaître déjà son odeur, imprégné par l'effluve du jasmin. À travers les sycomores, mon allure paraissait effrénée, rythmé par mon cœur battant, un sentiment étrangement familier enraillant mes entrailles. La tradition aurait voulu que j'arrive en héros, fièrement battis et fièrement pédant. Par malheur...Prosaïque, j'étais harassé, en pull de laine émaillée et sonorisé en fanfare par un borborygme indécent.

Il me restait moins d'une demi-journée à parcourir et depuis mon départ, la pluie n'avait jamais cessé de tomber. De nouveau, le firmament déclinait. Je relevais mes yeux, dardant le ciel cobalt zébré d'éclairs lumineux, me demandant s'il n'était pas plus prudent de m'abriter dans l'alcôve d'un arbre. La foudre faisait couler des ombres sur le sol, gonflant ma silhouette contre la pierre comme des chinoiseries. Ce soir, l'obscurité résonne en torpeur. Un déluge d'hivernage venait craqueler les feuillages, le souffle du vent à l'aisance d'une note de violon. Les rafales venteuses s'hennissent au galop et vient engourdir mes oreilles. Il en détonne un bruit assourdissant qui vient morceler la placidité coutumière de la forêt. Je n'en discerne qu'une mélodie caverneuse. 

On dirait le Sidh qui s'agite, notre au-delà, j'en appelle à toute nos déités pour me protéger. Mes phalanges se ferment sur le fermoir de ma cape humide émeraude, détalant les chemins de terres. Le bijoux en fer glace ma poigne, il représente Turul, le seul vestige qui me reste de Don. Mon souffle fait des panaches de vapeurs lors-qu’enfin je discerne la devanture en chêne de la tribu, la Tribu de Don.

 

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Chapitre 1 - Partie 2 

 

- Approche, vient te réchauffer. Là, fais, attention, tu vas mettre des gouttes partout, s'esclaffait-elle. 

Il s'agissait de la voix craquelante et ronronnante de mon aïeul. Depuis que j'avais franchi la porte de notre logis, un babillage discontinu s'était abattu sur la pièce. Un sourire amusé se détachait de mes lèvres alors que je posais un regard sur ma grand mère qui s’affairait à préparer mon arrivée. « Sylène, voudrais-tu fermer la fenêtre derrière toi ? Les nuits sont noires ces temps-ci.. » confia-t-elle. « Comment ça ? » lançais-je avec curiosité avant d'être accueilli par un silence. Je m’affairais aussitôt alors que j'ôtais ma cape pour la pendre à l'entrée. Lancinant, mes muscles me semblaient engourdis et meurtris et pourtant, avant toute chose, je pris un temps pour observer les lieux qui, jadis, avait été mien. Un étrange sentiment me tenaillait, comme gonflé par un souvenir rassurant qui clochait aujourd'hui.

Je dénouais les lacets noirs de mes bottines pour m'asseoir près de l'âtre du feu, gratifiant la divinité de notre peuple pour l'once de chaleur qui s'insufflait dans ma poitrine. Une tasse fumante de thé au coquelicot envahit ma poigne alors que je ressentais une certaine tiédeur contre mes genoux. L'odeur des capes humides d'automne emplissait l'air de la pièce alors que ma tasse élevait une panache blanchâtre de fumée. Ma grand mère se rapprochait alors de moi, s'acquittant de mon état, un regard tendre rempli de malice posé sur moi. Je le remarque du coin de l’œil et imperceptiblement je sentis mes épaules s'affaisser de soulagement. Si mon retour indiquait que je revenais en caractère d'étranger, il y demeurait vraisemblablement une personne prête à m'accepter.

J'étais partagé par les regrets et une ancienne excitation qui s'éveillait en moi avec l'envie fugace de serrer mes parents dans mes bras. Je dénotais leur absence mais, je n'émis aucune remarque. Si mon retour ne manquait nullement de les réjouir, la moisson le lendemain, elle, n'attendrait pas. Elle devrait bientôt s'achever. Bientôt, la fête du Samhain serait fêté et pendant trois jours, chaque cultivateurs s'arrêteraient de travailler.

- Sans nul doute que mille questions doivent brûler tes lèvres, mon enfant, prédisait-elle, un léger sourire amusé sur les lèvres. Je ne me trompe pas en avançant qu'Agatha, ta mère, te retracera tous les événements de la tribu dès demain matin. Je dirais simplement, que comme d'antan, elle perdure et avec fierté. Ça ne peut s'en dire qu'elle a vécu quelques difficultés, comme tu as pu l'entrevoir sûrement à Morrigan...opinait-elle avec mesure.

Je fronçais les sourcils, n'ayant nulle idée de ce qu'elle avançait. Je m'apprêtais à l'interroger lorsque la discutions prit une tournure différente et que mystérieusement ma question ne s'y prêtait inopportunément plus. « Ersas a rempli son rôle à merveille. Il m'a élaboré une nouvelle formule, à base de symphitum pour mes rhumatismes, un garçon très intelligent. Il était d'une grande d'aide pour la tribu » poursuivait-elle d'une voix pétillante. Ersas, s'était mon identique à Morrigan. Les prédictions l'avaient désigné comme le prochain druide de Morrigan et il avait entamé une éducation jusqu'à l'âge de ses 8 ans, où comme moi pour Morrigan, il était parti jusqu'à ses 18 ans dans la tribu de Don.D'un mouvement de main désinvolte, elle tût la conversation. « Mais nous n'avons pas le temps pour ces bavardages. Cathraigh veut te voir ».

Désormais le ton employé était solennel.  J'arquais un sourcil de surprise, « Cathraigh ? » m'écriais-je, me redressant dans un certain désordre. Il s'agissait du druide de la Tribu. Il devait avoir eu lieu un événement alarmant. Pas que je voulais minimiser la relation particulière qui se créait entre un précepteur et son élève mais, à mon sens, nos retrouvailles et notre mise au travail pouvait attendre demain matin.

Bientôt, mon aïeul m'offrit une toison sèche pour me presser vers la sortie. Je balbutiais quelques remerciements d'usage avant de traverser le village dans une certaine précipitation pour desceller la devanture la plus imposante qu'il y avait au sein de la tribu. Une lampe vacillante se remarquait à l'intérieur, alors qu'elle dessinait des silhouettes démesurées sur la toile. Je me pressais à l'entrée, m'éclaircissant la gorge pour m'annoncer. Aussitôt, un grabuge désordonné s'entendit à travers la tente et plusieurs hommes de la tribu s'entassèrent à l'entrée, tirant leur pipe pour se réjouir de mon retour. J'acquiesçais avec respect et lenteur avant de rentrer à l'intérieur. Une tumulte d'odeurs envahit mon odorat, colporté par une vaste variété de plante odorante et subjugué par une odeur d'arabica prédominante.

Une main rugueuse s'abattit sur mon épaule et sans prévenir, je fus projeté sur une chaise en osier surannée. « Assieds-toi, mon garçon. Tu as fais bonne route ? », sa voix était chaleureuse mais, il paraissait agité. De manière frénétique, il n'arrêtait pas de déplacer des philtres et différentes lotions d'endroits, inversant la bergamote par une gousse de vanille. Je redressais mes yeux sur sa silhouette, porté par un certain intérêt. « La route a été longue et pluvieuse mais, je n'ai pas été ralenti », m'expliquais-je doucement. Il plissa légèrement les yeux, la voix quelque peu insistante « Aucunement ralenti ? » ponctua-t-il. 

Je fronçais les sourcils, dubitatif. L'air fugace, il secoua la tête, de nouveau agité. 

- Ça n'a aucune importance. Tu as bien grandi. J'ai souvent eu de tes nouvelles de la part du druide de Morrigan. Vif et généreux, disait-il. C'est très bien, ce sont de bonne qualité. J'ai hâte de poursuivre ton apprentissage demain. Un lieu sacré a été créé, proche d'ici, à une cinquantaine de pieds du village. Nous y jetterons un œil demain, reprit-il d'un timbre soutenu, et...

- Cathraigh, l'interrompis-je d'une voix ferme. Que se passe-t-il ? À quoi rime ceci ? Me faire venir, en pleine nuit, alors que je viens seulement de rentrer pour t'acquérir de ma santé, ce n'est pas..

Ma voix s'interrompit, peu prompt à finir mon discours. Ce n'était pas que je voulais remettre en cause la bonhomie de son caractère, mais tenu comme l'unique druide du village et ainsi détenteur d'un certain pouvoir et d'une importante responsabilité du village, Cathraigh avait pour habitude d'être succinct et méticuleux. De ce que je m'en rappelais. Une dizaine d'année avait pu aussi le rendre gâteux, c'était insensé mais probable. Mais, de cette manière, comment Esras aurait pu bénéficier d'une instruction élitiste avec une éducation si complaisante ? Je secouais ma tête, reportant mon attention sur le vieil homme. Posé sur moi, son regard me semblait implorant. 

- J'aurais aimé ne pas...

Il plissa ses lèvres, la suite de sa complainte écrasée contre barrière de ses lèvres. Il jeta un regard à travers le voile de la tente comme s'il avait peur d'être entendu. - Ce qui était invraisemblable en soi. Le mythe voulait qu'on laisse un druide seul s’affairer de ces tours de magie et de ses invocations. Obstruer son travail, s'était obstruer la foi et ainsi, jeter une mauvaise augure sur le village. 

Il reprit d'une voix plus rauque. 

- Il se passe de drôle de choses dans la forêt, Sylène. Je ne saurai l'expliquer. Si ce n'est qu'il faut être prudent, très prudent. Je préfère ne pas ébruiter ce qui se passe à travers la tribu pour ne pas semer la panique. Mais je vais te le dire, tu dois le savoir, parce que dans peu de temps, tu me sauras d'une précieuse aide.  

Il empoigna mon poignet avec une force et un ébranlement inhabituel. 

- La forêt se meure, Sylène. Et j'ai bien peur de ne rien pouvoir y faire.

 

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Chapitre 2 - Partie 1

 

 

- Sylène ? 

La voix s'élève d'une manière doucereuse. Dans un grognement sourd, il me semble m'éveiller. Mon prénom se répète en écho. - Dans la continuité d'une litanie, dénotais-je à l'intérieur du tréfonds de mon éveil. « Hmf.... » grommelais-je, l'échine soudainement droite. Je glissais une main désinvolte dans mes cheveux, entrouvrant mes paupières d'une façon qui me semblait draconienne. 

- Sylène ? Entendis-je de nouveau. Je plissais légèrement mon nez, m'écriant négligemment « Oui, oui, une minute ! ». Des faisceaux lumineux inondaient la pièce, le zénith réchauffant agréablement ma silhouette qui s'éveillait, la toile de la tente désormais tiède. Promptement alors, je m'élevais pour enfiler une chemise blanche en flanelle. D'une manière négligée, je tirais légèrement dessus pour lui donner forme. Je réprimais une grimace en découvrant des marques de traînées luisantes avant de percevoir une limace marron. Je la contournais avec dédain avant de repousser la toile de la tente. 

Un indigo immuable badigeonnait le firmament, agrémentée d'une odeur qui m'était familière. Une odeur vieille de cent ans, qui me berçait les soirs d'hiver. Un sourire franc s'éveillait sur mes lèvres.

- Il s'agit de la châtaigne, n'est-ce pas ? fis-je remarquer subitement, de la même manière qu'on aurait pu m'interroger.

Agatha se détournait du feux, m'offrant un regard interrogateur.  « L'élément délectable et mystérieux de ta soupe. C'est de la châtaigne, non ? J'ai eu le temps d'y réfléchir après toute ces années »  élucidais-je lentement. Le sourire en coin de ma génitrice vint s'élargir, m'adressant un regard énigmatique. Je pinçais les lèvres, contrarié par son silence avant d'être engouffré par une étreinte. Je réprimais un soupir d'aise, le regard adouci. Ces cheveux vinrent chatouiller mes narines et par gène, je finis par me reculer. 

- Laisse-moi te regarder, articulait-elle en relevant mon menton. 

Je lui adressais un regard goguenard, la laissant m'inspecter. « Satisfaite ? » lançais-je, amusé. Elle levait les yeux au ciel, devant mes pitreries avant de conclure lentement «  Tu as l'air en bonne santé ». Je m'asseyais alors près du foyer crépitant, me servant un bol de potage. Je réchauffais lentement mes doigts, reportant mon attention sur elle. « Ton père est déjà parti travailler dans la forêt. Tu le verras à son retour. Grany... » commençait-elle pour faire la conversation. « ..dort.. » la complétais-je. Elle m'adressait un regard sévère « Oui, ta grand mère dort » confirmait-elle. 

Grany, c'était le surnom affectueux que nous lui donnions. En réalité, elle s'appelait Andelith Arzela Arianrhod, mais Grany, c'était bien mieux. Je remarquais qu'elle m'observait attentivement du coin de l’œil. Je fis mine de ne pas le remarquer. Elle reprit d'une voix qui se croyait désinvolte - Enfin, c'est ce qui donnait l'impression. En réalité, je ne la connaissais plus assez pour appréhender les fragments de son langage.  

- Alors, Morrigan ? Questionna-t-elle, d'un ton désintéressé. 

Je picorais un morceau de pain trempé dans le potage, haussant négligemment les épaules. "C'est pluvieux "commentais-je, succinct, peu prompt à en évoquer davantage. Une contrariété perceptible détonnait de la silhouette d'Agatha. J'arquais un sourcil, dubitatif. D'une voix magnanime mais, quelque peu sèche, je repris alors  « Mon intuition me dit que quelques corneilles sont déjà venues s'enquérir de ces informations ». Pendant quelques secondes, elle parut décontenancée par mes propos avant de finalement adopter un visage à l'air candide.

- Mais c'est différent de l'entendre de ta bouche, n'est-ce-pas ? Tenta-t-elle, d'un ton doux. 

Pendant un instant, un vive embarras me prit à la gorge, peu satisfait du ton que je venais d'employer. Son regard mordoré m'incitait à vouloir m'incliner de la manière qu'elle voudrait. - Après tous, quel fils ne désirait pas l'approbation absolue de l'un de ses parents ? Puis, me revint en mémoire l'affliction et la nervosité qui s'en était suivie lors de mon apprentissage. Sans véritable effort, j'avais réalisé, quelques semaines après mon départ, que des missives régulières s'échangeaient entre Dôn et Morrigan. J'avais d'abord cru à une inquiétude flatteuse de l'égard de mes parents, puis vint que ces missives n'avaient jamais cessé. La réminiscence de cette pensée m’insuffla un apanage d'embarras, d'incompréhension et de colère.

Naguère, la tradition au sein des tribus de Gaoold avait toujours voulu que l'apprentissage druidique passait par une coupure nette avec son univers pour parachever son éducation dans une tribu voisine. Si, la maxime principale de cette étape résultait en la force de la dualité de deux précepteurs, il s'en suivait l'idée que le futur druide se détachait de sa propre existence, ses propres envies, ambitions et sentiments, en effectuant une cassure tangible avec ce qui avait pu lui tenir à cœur. - En définitive, une philosophie qui différait considérablement de l'inquiétude et de l'attention accrue que m'imposait mes géniteurs. Au premier abord, ce constat m'avait plongé dans une déstabilisante incompréhension. Je m'étais évertué à questionner mon entourage, dans la tribu de Morrigan, pour n'en recueillir qu'un silence ferme. Ma confusion s'était alors transformé en position blessée. J'en étais venu à la vaine conclusion que l'objet de leur surveillance demeurait dans ma supposée incompétence. J'en ressentais un profonds déshonneur. . 

Lorsque je l'évoquais, Eshyle balayait d'un revers de main mon agitation. Il se mettait alors à conter, d'une voix présomptueuse, que le memento druidique avait été récemment altéré et qu'il faisait toujours preuves de censure au sein des tribus. En évoquant ses propos, il captait souvent instantanément mon attention. A proprement parlé, il s'agissait d'un druide apprenti, à une décennie de mon existence, qui s'était enlisé dans une magie foncièrement antagoniste de la notre. Cette anecdote avait retourné la communauté ésotérique car aucun prémisse de cette antipode n'avait été remarqué. S'en suivit un enseignement alternatif qu'on m'inculquait aujourd'hui. "Cette surveillance n'est donc pas signe de ton incompétence, Sylène, mais d'une méthode généralisée aux élèves de ta génération" poursuivait Eshyle d'une voix grave. Son ton me rassurait. Et puis, pour ma gouverne, il se distrayait à décrire des guignes erronées sur mon compte, à mon plus profonds amusement. Cette forme de protection farfelue lui avait certainement voulu une consolidation de sa réputation d'hétéroclite et de grotesque, mais il semblait ne pas en accorder d'importance.

 

Avec latence, je réalisais que l'attention d'Agatha m'était toujours adressée. Imperceptiblement, je secouais mon visage pour chasser ces sombres pensées. Il m'était visiblement difficile de m'y extraire. Lentement, je me raclais alors la gorge, cherchant mes mots, les sourcils froncés.

- Oh, eh bien...Ça s'est relativement bien passé à Morrigan. Il m'a fallu un certain temps avant de m'adapter. Le peuple de la Tribu fonctionne différemment qu'ici, mais en définitive, on s'y fait plutôt, racontais-je doucement. 

Elle acquiesçait, attentive à mes paroles. « Oui..J'en avais entendu parler. Ton oncle, Mathwn, était souvent en contact avec Morrigan. Il m'a parlé de drôle de coutume d'ailleurs... » affirmait-elle en riant. Je lui rendis un sourire rieur, redressant mes mains pour clamer mon innocence « Aah, je ne dévoilerais pas les mystères de là-bas ! ». Elle haussait alors négligemment les épaules pour finir par se redresser et mettre de l'ordre à l'intérieur de notre campement. 

- Ça n'a pas d'importance, de toute façon. Je me réjouis simplement de ton retour et que tous s'est bien déroulé là-bas. D'ailleurs, ton apprentissage. Il n'était pas trop difficile ? S'enquit-elle, poursuivant la conversation.

J'eus un léger rictus nerveux, peu prompt de me satisfaire de la tournure de la discutions. Ma voix me parût plus sèche et quelque peu sur la défensive. 

- Eshyle continue de dire que je fais un excellent travail, affirmais-je. J'eus l'impression de discerner une expression sceptique. « Pour peu que tu donnes de la crédibilité à Eshyle » poursuivis-je, d'un air un peu furibond. « Sylène Arianhod, qu'es-tu entrain d'insinuer.. » vint-elle s'esclaffer, offensée. Je ne lui laissais pas la chance de poursuivre, renchérissant aussitôt. « que Cathraig doit m'attendre à cette heure-ci, je devais le rejoindre dans la matinée. Et que cette perspective doit probablement te réjouir, bien sûr. Cath est beaucoup plus conventionnel et surtout beaucoup plus traçable, il me semble ». 

Je m'étais redressé avec une certaine vivacité, dépoussiérant l'arrière de mon pantalon pour me glisser dans l'embrasure de la tente, recherchant mon matériel avant de m'éclipser vivement hors du campement.

 

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Chapitre 2 - Partie 2 

Depuis quelques minutes déjà, un arbre vertigineux nous surplombe. Les bottines proche de ses racines endiablées, ils nous englobent. Mes pupilles brunes doivent s'élever diantrement hauts pour embraser ses feuilles qui frisent les nuages. Son tronc est large et cisaillé de manière à penser que plusieurs souches s'enchevêtrent. Il donne l'étrange sensation que son entre est une espèce de cavité asymétrique et qu'on pourrait s'y perdre, même y habiter. Ici, justement, ça s'y fait. Les druides s'y reposent à l'intérieur et pendant une éternité, ils semblent communiquer tous les deux. L'arbre est une sorte de légende au Don; C'est l'esprit sylvestre de la forêt. Impétueuse et désordonnée, le Nemeton, comme on l'appelle, est un peu l'arbre central qui nous renseigne sur la globalité de la forêt. Mon manuel druidique indique qu'un druide sait s'il est devenu à maturité s'il gagne la capacité de parler avec elle. J'en ai toujours diablement rêvé. Et lorsque la silhouette de Cathraigh s'enfonce à l'intérieur de l'une des interstices du tronc et qu'il m'observe interrogateur, derrière son épaule, je m'éprends de m'y lancer. Suivre ces racines ondulées et écouter avec douceur la voix conseillante. Un large remous d'impuissance m'éprends et précipitamment, mes appréhensions resurgissent. Et si je questionnais le Nemeton et que seulement ma voix y résonnait ? Sourdement et lourdement, sans aucune voix réconfortante pour vous répondre avec l'immense échec qui vibre en vous. On repart bredouille, en espérant que dans un an, peut-être deux, on aura enfin une réponse. Je me mords la lèvre, le regard toujours perché sur son écorce parsemé de lierre. 



Résolu, j'effectue un pas en arrière alors qu'une voix s'élève au loin. Je détourne les yeux, cherchant la genèse du soudain fracas. Un jeune homme se distingue, en tête de file, les cheveux long et un peu emmêlés. Sa voix porte sur la forêt, résonnant d'une manière caverneuse. Ces gestes paraissent indolents alors qu'une traînée de marmots le suivent aux mots. Mi-turbulents mi-captivés, ils s'entassent dans une ligne désordonnée. D'une manière plutôt attendrissante, ils chuchotent entre eux comme si le lieu sacré pourrait s'offusquer de tous autres comportements. Je m'apprête à rapporter mon attention sur la carte mère lorsque le visage du garçon me semble familier. Je plisse légèrement les yeux, rapportant un souvenir à ces yeux bleus pétillants. Ludmilei Eveydd, je crois. N'était-il pas l'enfant intrépide, les cheveux attachés en catogan, avec lequel je m'amusais dans la forêt ? Ainsi, il était devenu barde. C'était une curieuse destinée, à y penser. Le barde, porteur de connaissance et de l'enseignement, prêt à renseigner sur toutes formes de cultures. C'était précisément cadré et discipliné comme branche, radicalement opposé à la réputation familiale qu'on lui imputait. Une famille d'artiste, de souvenir. Bien évidement, la musique et la danse avaient une place primordiale dans la tribu mais disons que les artistes n'apportaient pas de véritable utilité. 

Il cligne des yeux, lui aussi, maintenant immobile. Bientôt, il se rapproche pour poser ces deux mains sur mes épaules « Sylène Arianrhod ? Je n'y crois pas ! ». Sa voix était teintée de chaleur, un sourire s'éveille sur ses lèvres « Les enfants de la tribu disait que..Une rumeur disait que Esras était parti. C'est visiblement vrai, tu es de retour. J'ai du mal à croire qu'autant de temps est passé »poursuivit-il. « Barde, hmh? » fis-je remarquer doucement. Son regard s'éveille, gonflant de fierté « J'ai bientôt finis ma formation. Je devrais encore attendre deux ans mais Hycht me demande souvent de l'aide » reprit-il. «  Tes parents habitent toujours près de la rivière ? » demandais-je curieusement, certain de le recroiser fréquemment. «  Oui, bien sûr, ils n'ont pas bougés. Ils sont totalement en effusion ces temps-ci. Tu sais avec la préparation de la fête du Samhain » il lève les yeux au ciel en évoquant ces propos. 

Je me redressais vivement «  Le Samhain ? J'avais complètement oublié..c'est.. », « demain, c'est demain. Tu viendras, j'espère ? Mon père travaille sur une andro innovante, c'est sacrément endiablé, si tu l'entendais.. ». J'affichais un léger rire, acquiesçant à ces mots «  Je n'y manquerais pas. Je suis sur qu'il y aura bien une nymphe qui s'y laissera entraîner.. » confirmais-je, l'air peu sérieux. Nonobstant notre discutions, les pas réguliers de Cathraigh s'entendirent dans mon dos. A la dérobée, Ludmilei marqua un temps d'arrêt sur son groupe d'élève avant de rapporter son attention sur ma silhouette, l'air soucieux « D'ailleurs..On ne vous dérange pas, j'espère ? Je présentais mon cours dans cette partie-ci de la forêt avant de penser que ce serait une bonne idée de leur montrer le Nemeton.. » présentait-il doucement. Je secouais la tête à la négative, marquant mon assentiment. 

Cathraigh finit par réapparaître. « On y va, mon garçon ? » , il tient mon épaule. J'acquiesce lentement, resserrant la lanière de mon sac. Je m'apprête à redémarrer lorsque la voix de Ludmilei s'élève « Vous partez du coté ouest de la forêt ? ». De concert, on se retourne sur le jeune barde, sa question restée en suspense. « J'y suis passé avec le groupe toute à l'heure, on a pas pu aller bien loin. On aurait dit une catastrophe. L'endroit semblait rempli d'obscurité et toute la nature semblait...pas vraiment morte, mais en engluée par une consistance sombre » expliquait-il avec lenteur, comme s'il parvenait progressivement à replacer des mots sur ses impressions. Son regard brille d'inquiétude. A la place, Cathraigh affiche une placidité immuable qui laisse place à un certain réconfort. Ces gestes sont lent, ils rapportent son sac sur son épaule et redresse les yeux « Merci de nous avoir prévenu, Ludmilei. Maintenant, va, tes élèves doivent t'attendre. Nous allons nous occuper de ça. N'ai pas d'inquiétude, il ne doit pas s'agir plus que des marécages qui ont débordés ». Il avait suffit de ces quelques mots pour qu'une quiétude transparaisse du regard du barde. Il acquiesça doucement, s'inclinant légèrement pour nous saluer avant de retourner vers son peloton d'enfants.

Une fois qu'une bonne distance nous sépare, l'allure de mon précepteur s'accélère. « Nous devons nous presser. Ce que le jeune Eveydd à décrit, j'ai bien peur que ce ne soit le résultat d'un sanctuaire de magie noire. Je voulais t'en parler sur la route, c'est là que nous allons. J'ai découvert, il y a quelques jours, qu'un temple avait été édifié à l'ouest de la forêt. Je n'ai aucun souvenir d'y avoir mis les pieds depuis une semaine. Je comptais justement y jeter un coup d'œil... » relatait-il, le visage grave. J'accentuais mes pas, quelques peu alarmé par ces propos. « Un..quoi ? Un sanctuaire magique ? Mais..il n'y a que les druides qui peuvent faire ça. N'est-ce pas ?  Cathraigh..n'est-ce pas ? » Il pinçait les lèvres désobligeamment avant d'acquiescer, surplombant une racine récalcitrante. Je fixais mon précepteur, mi-effrayé mi-incrédule. « Mais...qui ? » repris-je, la voix précipitée.

« Ça...Il ne peut pas s'agir d'un druide d'une tribu voisine, on nous aurait prévenu...Puis, ce type de magie..C'est tellement dangereux, qui serait assez fou de s'y risquer et.." vociférais-je avec précipitation et horreur. Mon aparté était prêt à se poursuivre lorsqu'une main ferme s'éleva à hauteur de mon visage pour stopper le flot discontinu de mes inquiétudes. « Sylène...Je t'en prie, calme-toi. Pour l'heure, je n'ai pas encore les réponses à tes questions. Je m'interroge autant que toi. Maintenant...Il me semble qu'il est plus adéquat de mener justement une investigation pour éclairer cette situation. Tu ne crois pas ? », le ton qu'il entreprend est calme et pédagogue malgré son attitude agitée qui détonne quelque peu avec ces propos.

Je me mords légèrement la lèvre, acquiesçant légèrement. De manière pragmatique, j'embrase la forêt du regard, l'échine stoïque. « Je pars de ce coté Cathraigh. Dispersons-nous, nous irons plus vite » parvenais-je à penser. Il acquiesce légèrement, l'air quelque peu distrait, avant d'ajouter « Fais attention à toi », sa silhouette s'évapore au loin. 

Je reporte mon attention sur le chemin de terre que je m'apprêtais à prendre, sortant par mégarde, une dague de ma poche. Pendant quelques minutes, mes pieds évitent les racines, distinguent faiblement les indices d'une activité humaine. Je poursuis ma route, une main glissée sur mes cotes, quelques peu essoufflé. Le sol est pointu et en caillasse, si bien que je ralentis mon allure. Mon esprit ne peut s'empêcher de se tourner, malgré moi, sur les drôles d'avènements qui se déroulent ici bas. Soudainement, je m'immobilise. Les sens aux aguets, je détaille rapidement les lieux, toujours immobile. Ma gorge me semble sèche. Je finis, cependant, par m'écrier tout haut pour prévenir Cathraigh. Je venais de piétiner un sanctuaire magique. C'était assez indistinct, proche de la réalité, à s'y méprendre. Ça se jouait sur quelques brefs détails, mais pour moi, c'était aussi évident qu'un oriflamme. Une légère odeur de souffre s'élevait autour des lieux, acheminé par des effluves de rances, rythmé par les bourrasques de vents. Des pas précipités se laissent entendre et bientôt, le silence se morcelle « Sylène, ne bouge surtout pas ! ». Cathraigh est dressé à quelques mètres de moi, à l'affût. De drôles de symboles sont habilement subtilisés et des vieux chiffons traînent sur les lieux, comme porteur d'une offrande. 

Avec prudence, Cathraigh se rapproche des éléments altérés, les genoux fléchis. La colonne droite, son regard mordoré reflète l'amoncellement d'une réflexion aiguë. D'un geste contrôlé, ils rapprochent l'une de ses poignes d'un des tissus déposé avec négligence sur un puits suranné comme pour embraser le sortilège. Son front finit par se plisser en une barre inégale avant de m'interpeller « Je crains que nos hypothèses soient véridiques. Je ne décèle, cependant pas, la marque magique....Pourtant, je trouve le travail assez grossier... » fit-il remarquer. Il déplie ses jambes, l'air vacillant. Il tend un bras tremblant dans ma direction « Approche mon garçon, je ne suis plus si jeune.. » s'excuse-t-il, l'aspect haletant. Je fonds sur mon instructeur, retenant son épaule pour lui offrir un certain maintien. Ce genre de détails me rappellent qu'il faut que je sois rapidement compétent. « Que fait-on maintenant ? » demandais-je d'une voix égale pour chasser son embarras. On clopine la route sillonnante, la démarche lente. « Oh, il suffit simplement de briser le-- » commence-t-il avant qu'on ne bute simultanément contre une racine, l'équilibre flageolant. Je démultiplie la force de mes bras pour le retenir, les gestes brusques. Dans la foulée, mon sac à dos se détache et dégringole contre le sol modelé pour s'éclabousser d'une manière vilaine dans l'étendue d'une mare. Je rapporte négligemment mon attention sur mon instructeur « Tout va bien ? » m'acquittais-je. Il reste silencieux, le regard toujours tendu sur le sac boueux avachi sur le sol.

- Regarde. 

Je l'interroge du regard, suivant la direction de sa vue qui mène tout droit sur la flaque translucide. Une silhouette limpide se distingue, flottant à travers le reflet. Je cligne des yeux. Lentement. Un esprit. Nous venions vraiment de réveiller un esprit. J'avais du mal à réaliser...Notre diligence pointé d'assurance venait de nous mêler à un fâcheux embarras. Je m'apprête à me tourner vers Cathraigh lorsque je fus distancé par une bourrasque d'air. A nouveau, je perdis l'équilibre. Je relevais à peine les yeux pour distinguer ce qui venait d'altérer mon équilibre, qu'un raffut ingérable semblait s'être imposé sur les lieux. Des rafales venteuses dévastaient le sanctuaire, faisant virevolter les bandelettes de tissus, gonflant nos capes, déformant les branches d'arbres en javelots meurtriers. Périlleusement, je cherche à protéger mon visage de ses tiges affûtées, les feuillages emmêlés toujours vorace, s'entortillant autour de nous. L'air me semble subitement opaque. Je sens ma respiration s'élever avec vélocité, essoufflé, comme si j'étais pris d'une soudaine fatigue. Pourtant, ma silhouette reste droite comme un i. Une centaine de cri glacé sont enveloppé par le vent, me laissant une impression d'effrois. Parmi ça, il y a le mien qui reste coincé dans ma gorge. Je laisse échapper un halètement alors que la vague enfle et trépigne. Dangereusement, une ombre s'allonge, prête à nous embraser. Une sensation noirâtre m'empoigne et je m'efforce de réfléchir à toute vitesse pour nous extirper de cette situation. Que disait Cathraigh, déjà ? Briser..Briser le sortilège.

Une main portée en visière, j'inspecte rapidement les environs pour déceler la genèse du sortilège, habituellement généré par un symbole plus significatif que le reste du climat. Au pieds de la racine d'un arbre, je distingue la forme d'un triskièle, à moitié enterré. Une marque à l'encre rouge, représenté par trois tourbillons. Au sein de mes ouvrages, sa signification est multiple et ambiguë mais il est nécessairement impliqué dans une forme de magie noire. Avec progression, je me rapproche du sapin, le pas immanquablement ralenti par le souffle venteux qui fait toujours rage. La bourrasque est toujours imprégnée de milles cris perçant, provenant d'outre tombe. Je suppose. L'abattement s'accentue, comme s'il parvenait à comprendre le danger. Cette chose, cet esprit, quoiqu'il puisse être. La tempête d'air et de feuillage semblent décupler son être pour m'immobiliser. Plusieurs tiges m'entaillent la joue. Mes bras ankylosés luttent et bientôt, j'atteins enfin les racines de l'arbre. Frénétiquement, je tapote mes poches à la recherche d'un objet qui pourrait m'aider à éradiquer le sortilège. « Cathraigh, le.. » m'écriais-je, alarmé et pressé. «  Vite ! » tonne sa voix forte, me lançant une bourse bleutée. Je me reprends à deux fois pour l'ouvrir et rejette rapidement le contenu sur la souche de l'arbre. Une panache colorée mêlée à l'éclaboussement d'une myriade de perle noire envahit l'air. De mémoire, je crois qu'il s'agir d'un mélange de carbone et de bismuth. J'ai toujours été fasciné par le phénomène.

Soudainement, une placidité déconcertante remplace la brutale agitation. Conjointement, l'échine toujours droite, on observe de droite à gauche pour évaluer le danger supposé. Pendant un long moment, rien ne se passe. Il semble que nous ayons réussi. Le spectre fluctuant et l'ombre progressive s'étaient évaporé. Les bourrasques d'air s'étaient atténué pour n'être pourchassé que par une légère brise contre ma nuque. Le seul vestige qui témoigne encore de cet instant d'une rare violence était ces tourbillons de feuillages, paralysé dans une position inconfortable. Par ce tableau, la forêt revête présentement une drôle d'allure. Je me détends légèrement, arrachant avec brusquerie le lierre qui s'était entortillé autour de moi. « Tu n'as rien ? » s'inquiète Cathraigh, s'extirpant avec difficulté de ces liens. Je secoue la tête à la négative, enjambant les dernières racines qui s'élevaient à la hauteur de nos genoux. 

Je me rapproche de mon sac à dos pour le ramasser, quelque peu amer du remous qu'il venait de provoquer. Ne pouvant plus tenir, je m'écrie «  Qu'est ce que c'était que ça ? », me rapprochant quelque peu. «  C'est truc ont failli nous tuer.. » fis-je remarquer pantois. Quelques secondes passent, sans que Cathraigh n'évoque une réponse. Lorsque je me tourne vers lui, il semble ne pas m'avoir entendu. Il tient fermement mon épaule pour me faire reculer en arrière. « Fais attention.. » reprit-il. Son regard est dressé sur une traînée noirâtre et gluante. Elle progresse lentement vers nous. J'écarquille les yeux, contournant la nappe pour me rapprocher de l'empreinte pathogène. Cette chose, j'étais certain qu'elle n'apparaissait sous aucun mémorial du dôn. Je n'avais jamais vu une consistance pareil. « Sylène, attention, tu.. »

Je ne l'écoute pas, hâtant mon allure pour suivre le sillage visqueux qui semble anéantir toute végétation. Inébranlable, il recouvre l'herbe et chacune des gerbes de fleurs qu'ils rencontrent sur son chemin. La consistance est sirupeuse et parsemée de petites bulles fumantes, si bien qu'on pourrait penser, à s'y méprendre, qu'il s'agit là d'un véritable organisme vivant. Au fils de mes pas, il me donne l'impression que la trace ne cesse de gonfler et de s'étendre de manière exponentielle. Sa progression envahit des éléments les plus vastes, pour s'étendre, de façon corrosive, à trois pieds des arbres jusqu'à engloutir carrément des arbrisseaux. Il rogne les troncs d'arbres, extermineles feuilles et détruit toute possibilité d'existence. Hormis ce mécanisme meurtrier, je n'ai croisé aucun être vivant. Aucun lapin, ni gibier. Ni de chenille mangeant une feuille.

Je poursuis ma route, jusqu'à ce qu'encore, mes bottines se stoppent. J'ai l'impression de rester là une éternité. Une éternité devant cette plaine engluée de jet noir. Il obscurcit la totalité du paysage, dévorant le plus haut des arbres, des pierres, des racines. Le virus ébène semble recouvrir toute cette partie de la forêt. Des cadavres d'animaux gisent immobiles, dressé sur un tableau funeste et digne d'une hécatombe. Finalement, une main me tire en arrière. Mes cils papillonnent comme pour reprendre conscience de ce qui nous entoure. « Cathraigh, tu as vu ce.. », il me stoppe. « Oui, j'ai vu. Il faut y aller. Ça s'étend. On ne peut rien faire pour l'instant, on doit rentrer... » répète-t-il, d'une raison qui m'est dépourvu. « On trouvera une solution en rentrant. Nos livres.. », ils laissent sa réponse en suspens. Impuissant, je finis par acquiescer.

 

 

 



 

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Templum - La tribu de Don.
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